La royauté dans Priconne et Ranking of Kings : marre des rois, vive les princesses 

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La fiction, aussi rêveuse soit-elle, ne manque pas de coutumes auxquelles s’accrocher sans répit. De nos jours, il faut encore que le Roi représente un symbole de vertu, incarné par un individu dont la lignée a instauré en lui les qualités innées d’un chef qui brillera dans l’adversité. Sentez mon ton, je ne suis pas franchement d’accord avec ce présupposé. Je m’exaspère de l’enterrement d’Elisabeth II, ou du voyage en jet de son fils à Dubai pour parler d’écologie. Je n’ai pas l’enthousiasme de Stephane Bern et ça n’a pas un joli impact sur ma façon d’idéaliser la monarchie. Je préfère plutôt la démocratie et ses petites élections législatives par exemple. Il n’empêche qu’on ne fait pas ce qu’on veut avec la fiction et des histoires de bon roi continuent de naître. Princess Connect et Ranking of Kings sont 2 séries qui trottent dans ma tête sur ce thème, et j’ai décidé de les mettre en concurrence pour ne garder plus qu’un roi et vous raconter : pourquoi la princesse Pecorine met-elle à la misère au roi Boji ?

Si les deux séries se déroulent dans des mondes fantastiques avec des relents médiévaux, elles ne consacrent pas la même place à la royauté. Princess Connect (Priconne) est marquée par l’absence de figure régnante pendant qu’on suit les aventures d’une princesse vagabonde (et affamée) avec sa bande. Ranking of Kings est une joute autour de la transmission du pouvoir impliquant d’étranges querelles de famille et un jeune garçon muet.

Pecorine (pas le fromage) aka Eustiana von Astraea, est une princesse déchue dont on a oublié l’existence et qui mène une vie de fin connoisseuse culinaire au sein de la Guilde des Gourmets auprès de ses amis. Ses aventures l’emmènent à sympathiser avec ce peuple qui lui était si loin depuis son enfance au palais. Le Prince Boji, second choix à la succession, trouve dans l’amitié d’un jeune voleur, Ombre, la confiance pour grandir et forger ses qualités dans une course au trône qui se transformera en enchevêtrements de complots étrangement bien-intentionnés. D’une mère intraitable, un frère orgueilleux à une garde zélée, il y a de quoi trouver du bon en chacun d’entre eux.

De ces deux incarnations, Boji gagnera peut-être votre coeur plus rapidement. Un garçon qui survit aux deuils de sa famille, aux brimades induites par ses faiblesses physiques dont les moments de grâce ont de quoi faire vibrer n’importe qui. Pour autant, son personnage manque d’épaisseur et ses angoisses de relief : on peine à distinguer le pourquoi de chacune de ses larmes. Pecorine est davantage un avatar de la joie. Ça ne s’explique pas forcément, mais sa bonne humeur et sa gloutonnerie déborde constamment de la série. Ce qui rend par contre plus éprouvant les moments où sourire ne suffit plus.

Sur le format, les deux font une vingtaine d’épisodes. Princess Connect livre des histoires épisodiques où chaque aventure donne à voir un aspect du royaume de Landsol et comment les habitants organisent leur quotidien, parfois leur survie, mais surtout leur repas. Étant une adaptation de jeu vidéo, ces rencontres se traduisent par de nombreuses petites quêtes. Du côté de Ranking of Kings, les villes se réduisent à peu d’endroits mais beaucoup d’ambiances : la grandiloquence des salles de trône et des châteaux en font les lieux d’une intrigue en 3 actes au détriment des citoyens. On ne connait ainsi quasiment que des membres de la cour.

Ces disparités prennent une plus forte amplitude au fil du récit. Quand les habitants de Landsol dans Priconne s’animent pour résister aux monstres et aux injustices, ceux des villes de Ranking of King subissent les forces armées au service des querelles de pouvoir. Et les choses se gâtent quand l’auteur abrutit et infantilise la population au profit des dirigeants. Il y a tout une apologie du colonialisme qui soutient les conquérants puissants et cultivés qui répandraient leur savoir auprès de petits gens injustes et ignorants.

Au final, ces visions politiques vont de paire avec ce qui est dit de leur dirigeant. Ranking of Kings écrase la pression d’une course au trône sur des gamins parce que le rôle de roi est sacralisé. Ce n’est pas une nouveauté dans les fictions, mais ces luttes intestines, à la tournure incestueuse dans Ranking sont aussi trop teintées de mépris de classe.

Princess Connect conçoit sa princesse avec toute la candeur possible mais aussi toute l’inaction politique qui va avec dans ce monde qui se débrouille finalement pas si mal en attendant le retour d’un roi. Pécorine incarne le cliché du bon gouvernant venant en aide à son prochain, nourrissant les démunis et prônant les bons sentiments mais ne prenant jamais de décisions d’échelle. Pas de solution systémique, de services sociaux ou de solution étatique.

Si Pecorine gagne ce duel, c’est peut-être parce que la naïveté de son discours l’empêche d’être glauque sur certains sujets à la façon de Ranking of Kings. Ou alors, parce qu’en toute fin la gentillesse d’un dirigeant a du bon étonnement (?!). Il suffit de prendre des références cinématographiques comme les Princesse malgré elle. Preuves qu’un bon caractère produit des effets sur l’entourage et la maitrise du pouvoir. En ce sens elle conviendrait parfaitement dans le 3e film de Princesse malgré elle aux côtés de Anne Hathaway.

En toute fin, je sature quand même des rois et des princesses. C’est là que s’arrête le positif et j’espère grandement que les animes me feront rêver d’autres régimes politiques. Un peu moins de figures autoritaires ou glorifiées. Plus de partages de ressources, de bons repas et d’amour. Bref, j’attends toujours mon Ranking of Communistes ainsi que la victoire du Front Populaire aux élections législatives du 30 Juin et du 7 Juillet. Votez s’il vous plait.

Bibliographie

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